L'AMANDIER
Pombo écrivain connu surtout pour ses œuvres de vulgarisation à destination des scolaires, est chargé par son éditeur( qui a un peu pitié de lui et veut lui procurer un travail), d’une biographie romancée de la vie intime de Franco.
Pombo, bien que marqué par l’engagement antifranquiste de son père, accepte pour raisons financières. Mais la tâche va s’avérer complexe… Comment faire l’éloge de son pire ennemi ?
Création Fontenay-sousBois Théâtre du Lierre Paris 2003
Reprise Dans la peau de Franco Festival d’ Avignon 2004
Pénombre, table, encombrée de papiers, de livres, de photos… Pombo, la soixantaine fatiguée, la tête entre les mains écrit fiévreusement, s’arrête….
POMBO
Ça pourrait aussi bien être n’importe qui d’autre Angel Garcia ! Abattu d’un coup de revolver, pan dans la nuque, oui n’importe lequel de tous ceux dont on n’a jamais retrouvé trace des corps ! Ach !
(il froisse une feuille de son manuscrit, attrape un chèque qu’il regarde bizarrement les bras tendus, brusquement au son : bruits de graviers sous les pas, chuchotements, grillons, ambiance nuit et une voix en espagnol…)
VOIX OFF
No te preocupes, vamos a dar un paseo…
POMBO (interloqué traduit mécaniquement, les yeux fixés sur le chèque)
Ne crains rien, on va juste faire un petit tour…
VOIX OFF
Que calor !
POMBO
Il fait si chaud !
VOIX OFF
Ay, mira las estrellas !
POMBO
Et puis regarde ces étoiles ! (au son : enclenchement d’un revolver. Coup de feu violent. Pombo reprend le geste pan sur la nuque. Chute d’un corps. Course sur graviers.)
VOIX OFF
Vamos, ahora el cuerpo al pozo !
POMBO
Allez, hop, maintenant le corps à la fosse ! Bruit de corps jeté dans une fosse, pas qui s’éloignent sur les graviers… arrivée d’un chant profond de mort, Pombo se bouche les oreille et s’avance vers le vide.
POMBO (face au vide)
Papa, il faut que je te parle sinon je ne peux plus écrire. Papa, je dois m’adresser à toi sinon je reste paralysé, toi qui décidas un jour de partir tout seul dans une maison de retraite parce que tu touchais enfin une pension en tant que fonctionnaire de la deuxième République, victime de la guerre civile, mais tu ne voulais plus vivre et je t’ai laissé faire. Et moi maintenant je ne peux plus continuer si, au-delà de la mort, je ne m’adresse pas à toi. Papa, j’ai devant moi un chèque de deux millions de pesetas et je pleure… J’ai fait mon travail, un travail d’intellectuel, d’écrivain et c’est pour cela que j’ai ce chèque devant moi, et un autre chèque doit arriver si je vais jusqu’au bout de mon travail… et cet argent j’en ai besoin pour mon ex, Lucy, tu te souviens de Lucy et surtout pour ma fille Angela qui vient encore une fois… de… Enfin, j’ai reçu une commande, Papa, de mon éditeur, oui une commande… formidable, non ?…
(arrive Ernesto Amescua branché, élégant, vif.)
Il m’a demandé, tu ne vas pas me croire, Papa… j’étais là assis en face de lui, et ce jeune homme élégant, que j’ai connu petit me dit…
AMESCUA
Il faut que tu fasses la connaissance de mon fils aîné, il a douze ans et passe le peu de temps que nous avons ensemble à me poser des questions. Il faut que tu le connaisses. Un jour je te l’enverrai comme mon père l’avait fait avec moi. L’autre fois, il m’a demandé : Papa, c’était qui, Franco ? Tu saisis la question ?
(Pombo reste bouche ouverte)
Pombo avec Juanito douze ans jouant à la game boy…
POMBO
Tu l’arrêtes jamais ta petite machine, là….
JUANITO
Quand ça me gonfle… si .
POMBO
Et quand on te parle ? … Tes parents t’ont pas dit que quand on te parle, c’est mieux d’arrêter…
JUANITO
Je peux faire deux choses en même temps , alors…
POMBO
Mais c’est quand même toi qui a posé la question à ton père.
JUANITO
Quelle question ?
POMBO
Qui était Franco ?
JUANITO
Ouais…
POMBO
Parce que tu voulais le savoir !
JUANITO
Non…. (il joue toujours à la game)… Mais c’est que maintenant en 5ième, le prof y veut qu’on découvre par nous-même, c’est un nouveau, je sais pas ce qu’il a, y dit qu’y veut plus qu’on copie… gratter, gratter, ça sert à rien qui dit, y veut qu’on trouve !
POMBO
Pas mal !
JUANITO
Ouais, si tu veux…
POMBO
Donc en fait ton père t’envoie à moi, parce que je suis un spécialiste !
JUANITO
Ouais… peut-être…. Y dit que comme t’es vieux, tu l’as connu…
POMBO
Qui ?
JUANITO
Ben Franco … Franco c’était un vieux aussi.
POMBO
Pas toujours !… Avant d’être vieux… il a été jeune !
JUANITO
C’est clair !
POMBO
Ce n’est pas ce que tu semblais dire … Mais franchement, tu peux pas l’arrêter, ta petite machine là… moi je peux pas parler avec ce truc constamment… qui clignote quoi …
JUANITO
De toutes façons, ça y est, j’ai niqué mon entrée dans le deuxième monde, il faut que je reprenne tout !
En primer término, Ernesto Amescua; algo más atrás, el director literario, Pablo Fernando; la secretaria Cristina, con un dossier. Pombo, al fondo, espera…
FERNANDO
¿Entonces, adelanta?
AMESCUA
Poco a poco… pero adelanta… he leído algo…
FERNANDO
Sí, yo también…
AMESCUA ¿Y qué?
FERNANDO
¿Y qué…? Es amigo tuyo, Ernesto…
AMESCUA
Era amigo de mi padre, Pablo… que murió como ya sabes… no tiene nada que ver… habla con franqueza.
FERNANDO
Con franqueza, le falta sexo. (La secretaria saca la nariz del dossier y se echa a reír.)
AMESCUA
What means…? ¿Estás delirando o qué?
FERNANDO
No, fuera de broma… podríamos darle formato de adultos, eso serviría para una tirada suplementaria no sé muy bien cómo… Ahora a la gente le trae al fresco saber si Franco era un cabrón o no, entiéndelo, hay que mostrarlo, no sé, en directo… más o menos en imágenes, diría yo… Qué sé yo, tal vez esa historia con Sofía Loren, bueno, yo haría una escena con eso… sí, una escena en la que él se… él se… se la toca, sabes, a escondidas, viendo una película de Sofía, eso, estoy seguro de que eso vendería bien…
CRISTINA (Se parte de risa.)
Bueno, si les parece voy a buscarle… Es que está esperando…
AMESCUA
Sí, vaya usted… Oye, Pablo, deja ya de decir chorradas, ¿vale?
CRISTINA (Trae a Pablo y pone cara severa para disimular que se cae de la risa.)
La feria del libro, esto es muy importante para la casa, señor Pombo… Hay que pensar en los programas de lecturas del BUP para el año que viene.
POMBO
Ya sé, voy algo retrasado en el calendario…
FERNANDO
¡Un poco!
AMESCUA
No te compliques demasiado la vida, Pombo, tiene que ser simple.
POMBO
Es que la vida no es simple. Sabes, mi hija Ángela… pues…
AMESCUA
Sí, ya sé que tiene problemas… Bueno, déjennos. (Salen los otros.)
POMBO
Oye, es un poco mandona tu secretaria…
AMESCUA
No te preocupes, yo controlo, mi director literario también da esa impresión, pero quien controla soy yo… Así que tu hija… Anorexia, ¿no?
POMBO
Sí, anorexia, entre otras cosas… Bueno, ahora todo irá mejor, Lucy, mi ex, ha conseguido hablar con no sé quién de la Comunidad de Madrid y el tratamiento que necesita para… para eso que tiene… nos va a salir, bueno, me va a salir casi gratis… así que me voy a ver libre de esa preocupación…
AMESCUA
Podrías haberlo solicitado mejor tú mismo, es algo que te deben, ¿no? Porque en la Comunidad de Madrid hay una colación de socialistas y comunistas, ¿no?