Editions "THEATRALES" Edilig 1983
Une enquête sur et par Lucie elle-même pour découvrir qui elle est, fut, sera … Pour ce faire, elle se divisera en trois voix, trois corps, trois femmes différentes et semblables, comme une dissection décline sous toutes les coutures les morceaux d’un intérieur extériorisé en postures, trompe-l’œil et images fugaces…
Lecture TEP et Comédie de CAEN 1983
VOIX 1
Elle est dangereuse. C’est une femme qui expliquerait tout - Lucie Syn’ ?- par le passé lointain. Par exemple un amour raté ou…. Un père absent, ou des choses de ce genre.
VOIX 2
Et en même temps, y croit-elle ?
VOIX 1
Elle n’en a pas la nécessité.
VOIX 2
Pourquoi cette croyance ?
VOIX 1
Elle dit « C’est… l’état tangent du tant-pis-après-tout-tant-mieux »
VOIX 3
La fatigue aidant, l’alcool lui donne de ces airs de dignité à n’en plus pouvoir ! mais la respiration reste haletante. La cigarette cancérigène sa gorge boursouflée et réduite… qu’importe !
VOIX 1
C’est une femme… maigre, ou plutôt…devenue maigre…. Par volonté ou par la vie, ce qui semblerait pour elle, être la même chose.
VOIX 2
Lucie est étrangère, par ce nom étrange, cette apostrophe qui appelle… on ne sait quoi, la terminaison sans doute …
VOIX 3 et 1
Qui pourra jamais terminer son nom ? (temps)
VOIX 1
Lucie est belle. C’est ce sourire… permanent coupé de fossettes, traversé de peurs.
Ces voix discrètes énoncent froidement l’existence de femmes contraintes à ne pas pouvoir se recomposer, à être cette décomposition, à vivre le bouillonnement de cette séparation du corps et de la voix en ses éléments contraires. Entre les interstices et les entrebâillements du texte, entre les jointures et les fentes des proférations s’éveille un corps que des voix enveloppent, contournent, palpent, pétrissent en un kaléidoscope visuel. L’aplanissement de ce corps sur une surface offre la multiplicité des facettes d’un être, entrelacées, superficielles et profondes. Rien n’est imposé. Tout est suggéré. Avec l’évidence de la violence contenue. Louise Doutreligne écrit comme une rivière en feu.
Daniel Lemahieu