EDITIONS DE L'AMANDIER
À partir des fameuses lettres de la religieuse portugaise, dans l’atmosphère confinée d’une cellule de carmélite où une jeune fille tente d’arracher de son corps et de son cœur un amour coupable, le père Gratian, jésuite, confesseur, spécialiste de l’exorcisme va tenter avec elle le travail de relecture du texte en même temps que celui de la purification du corps… non sans un certain trouble partagé.
Création sous le titre « Lettres Confessées de la religieuse portugaise » Centre des Bords de Marne 2001
GRATIAN lui prend la lettre.
Maintenant je vais me détourner, vous allez vous... enfin vous ôterez cette chemise...
MARIANA
S’il vous plaît !
GRATIAN
Et... pour ainsi dire... oui... nue devant Dieu, vous continuerez à lire...
MARIANA
Je ne peux pas... je...
GRATIAN
N’oubliez pas que je suis consacré... n’ayez aucune crainte... le vœu de chasteté n’est pas un vain mot pour notre ordre. C’est votre mère supérieure qui m’envoie, j’ai pris avis de notre évêque... (Elle souffle, soupire) N’allez pas encore accréditer je ne sais quelle turpitude de votre imagination échauffée... Obéissez, ma fille, vous n’avez pas d’autre choix !
Gratian se détourne, Mariana apeurée ôte sa chemise.
GRATIAN (de dos)
Bien. Reprenez
Il lui redonne la lettre.
MARIANA
« Hélas !pourquoi exercez-vous tant de rigueur sur un cœur qui est à vous ? Vous avez voulu profiter des prétextes que vous avez trouvés de retourner en France. Un vaisseau partait, que ne le laissiez-vous partir ? Votre famille vous avait écrit : ne savez-vous pas toutes les persécutions que j’ai souffertes de la mienne ? Votre honneur vous engeait à m’abandonner : Ai-je pris quelque soin du mien ? Vous étiez obligé d’aller servir votre Roi : si tout ce qu’on dit de lui est vrai, il n’a aucun besoin de votre secours et il vous aurait excusé.
Mariana se retrouve torse-nu, en culottes bouffantes. Gratian va vers la cuvette qu’il remplit d’eau à l’aide du broc. Il mouille un linge qu’il tend de loin à Mariana sans la regarder
GRATIAN
Allons-y. La purification de l’âme commence par la purification du corps, comme la charité bien ordonnée commence pa rsoi-même ! Frottez-vous et donnez-moi la lettre.
L’aveu déchirant de la transgression de l’interdit, du don absolu d’amour bafoué est exalté encore davantage à mesure que la jeune novice affronte la honte, la souffrance, l’humiliation. La culpabilité, le renoncement que lui inflige le confesseur, la trahison revécue semblent attiser sa passion. Face au confesseur qui ne manque paq d’ambiguïté (n’en retire-t-il pas un certain plaisir par procuration ?) la jeune novice retraverse l’enfer de l’amour trahi. Cela tient à la fois du rituel sacrificiel, de l’exorcisme et de la psychanalyse.
Irène Sadowska Guillon