L'AVEU DE LA PRINCESSE

(inédit) 1992


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Il s’agit d’une relecture, à la fin de leur vie, par Madame de La Fayette et Monsieur de La Rochefoucault du chef d’œuvre de la la littérature LA PRINCESSE DE CLEVES. Qui a écrit quoi, qui en est vraiment l’auteur, qui en a été la muse ???… Et au final, de quel amour s’agit-il, celui de Me de Clèves pour le prince de Nemours ou de celui, jamais avoué, de Me de La Fayette pour M. de La Rochefoucault… ou inversement ? L’essentiel est que la passion, qu’elle se dise ou se cache, produise une œuvre.

 

Créé à Limoges en 1992

 

Monsieur de La Rochefoucault

J’ai une extrême satisfaction à lire avec une personne d’esprit, car on réfléchit à tous moments sur ce qu’on lit, et il se forme en dessous, comme à l’intérieur de nous, une conversation la plus agréable du monde… et la plus utile.

 

Madame de La Fayette

Il y entre comme de la douceur plutôt que de la flamme et de l’illusion, une sorte de consolation réciproque… non ?

 

Monsieur de La Rochefoucault

J’aime mieux de loin la conversation des femmes que celles des hommes, on y trouve en effet cette sorte de douceur qui ne se rencontre point parmi nous, et elles osent s’avancer avec une telle franchise…

 

Madame de La Fayette

Pourtant j’ai trouvé dans vos « Maximes » (elle se dégage de lui et elle sort le livre de la bibliothèque) quelques tournures qui prouvent que vous n’avez rien à nous envier du côté de la sincérité (elle lit) :

« Il en est du véritable amour comme de l’apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu »

Ou encore :

« Les femmes qui ne veulent point paraître coquettes et les hommes d’un âge avancé qui ne veulent pas être ridicules ne doivent jamais parler d’amour comme d’une chose où ils puissent avoir part » (elle le regarde intensément)

 

Monsieur de La Rochefoucault

Moi qui connais tout de la délicatesse et de la force de l’amour, si jamais je viens à aimer, ce sera assurément de cette sorte ; Mais de la façon dont je suis, et vu mon grand âge (il sourit) je ne crois pas que cette connaissance que j’ai, ne passe jamais de l’esprit au cœur.

 

Madame de La Fayette

Hé bien qu’importe ! Nous en ferons des livres !

 

Elle regarde sa bibliothèque, les portes qui donnent sur le jardin s’ouvrent et l’on aperçoit un jeune gambiste qu joue un air de viole près des petits bosquets et de la fontaine

Madame de La Fayette et Monsieur de La Rochefoucault dégustent en silence cette musique tandis que la nuit les envahit.

 

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Louise Doutreligne qui sait mener la langue française a fait une adaptation du roman. Toute l’originalité était de remettre le texte dans son contexte, celui du XVIIe, à travers la bouche de ses auteurs. Car Mme de La Fayette n’était peut-être pas seule à avoir mis la main à la plume. Le duc de La Rochefoucault qui entretenait avec elle une complicité au moins intellectuelle y avait peut-être sa part. Claudine Fiévet et Jean Davy ont composé un couple en harmonie de ton et de justesse, la gravité de l’un faisant contre- chant avec la légèreté un rien perverse de l’autre.

Pascal Janouteau - LA MONTAGNE

 

voir aussi : Le Monde - samedi 29 février 1992

 


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