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Editions THEATRE OUVERT TAPUSCRIT N°8 - 1979


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Deux voix, un homme et une femme se parlent inlassablement, ils semblent ne jamais parler d’eux, mais si c’était leur histoire qu’ils nous racontent ou si, encore plus incroyable, s’ils étaient en train de la vivre sous nos yeux, leur histoire d’amour, tout en nous faisant croire qu’il s’agit d’autres ?

 

 

Création Petit Odéon 1980 (mise en scène Jean-Louis Jacopin)

La Femme

Elle avait dit « Pas chez moi, mais dans un bar, je veux bien t’offrir un thé », aussitôt, il avait répliqué « Je te le demande parce que je n’ai pas d’argent… » Dès le premier instant, il lui avait rejeté son désir en pleine figure !… Et depuis, chaque fois, dans le cheminement de son propre désir, et, elle se retrouve devant lui, ne sachant plus si elle désire ou si elle doute.

 

L’Homme

Mais elle veut qu’il la désire !

 

La Femme

Elle veut seulement qu’il la voit, parfois… Quand, au bout de la nuit, après les parlottes sans fin, il lui donne le baiser du bout des lèvres, traditionnel maintenant, qui lui cloue le bec, elle a tenté une fois, une seule, d’accrocher son baiser plus fortement ; tout de suite, elle eut honte, honte d’un aveu bien sûr, mais honte au-delà, de ne plus savoir tout à coup si ce geste était du désir présent, ou seulement le signe d’un désir passé, signe qu’ils étaient juste passés à côté du désir.

 

L’Homme

Quel est le moment juste du désir ?

 

La Femme

Elle cherche encore, elle ne sait pas… Elle dit n’avoir jamais su. Pendant une longue nuit de parlottes folles, il a dit trois fois « Bon, je pars… »

 

L’Homme

Était-ce à ce moment-là ?

 

La Femme

Elle ne sait pas. Un jour, elle a une idée. Elle répète plusieurs fois à haute « Quand il arrive, je ferme les yeux, je ne bouge plus, ni corps, ni parole, ni regard, et j’attends, pour voir si à ce moment-là… »

 

L’Homme

Elle s’arrête ?

 

La Femme

Oui, elle s’arrête, puis elle reprend « à ce moment-là, à ce moment-là… je ne franchis RIEN ! », elle hurle à l’infini dans la nuit, les poings et les yeux crispés.

 

L’Homme

Qu’est-ce qui se passe ?

 

La Femme

Elle ne veut plus rien. Elle ne veut plus d’elle. … Peut-être une seule chose encore : comprendre… Alors, elle décide une nouvelle fois de s’installer dans l’attente confortable, de l’amadouer.

 

L’Homme

Elle retourne dedans.

 

La Femme

Oui, dedans, dedans… C’est la prostration, à nouveau.

 

L’Homme

Que fait-elle ?

 

La Femme

Impossible de toucher son propre corps, tant elle est dedans. Son regard n’est plus sur les choses, les choses sont son regard. Interminablement la marque de sa petite gazinière sort de ses yeux.

 

L’Homme

Elle est folle.

 

La Femme

Prostrée… des jours durant.

 

L’Homme

Elle veut mourir !

 

La Femme

« Apaiser, apaiser… apaiser quoi ? » demande-t-elle. Bouche bée face au miroir, elle ne voit plus sa bouche, mais le cercle vide d’entre ses lèvres où elle plonge dans un cri silencieux.

 

L’Homme

Elle ne parle plus du tout.

 

La Femme

Écroulée à l’intérieur d’elle-même, ses os tremblants ne soutiennent plus qu’une apparence. L’Homme Mais qui trompe qui ?

 

La Femme

Enfin, un matin, elle murmure « Tu n’auras pas ma peau, vieux débris de cervelle ! »

 

L’Homme

Elle revit ?

 

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